SA VIE – L’OEUVRE ECRITE

Biographie
Né en mai 1633 à Saint-Léger-de-Foucherets, Vauban est le plus connu de tous les ingénieurs militaires français et peut-être le plus connu de tous en Europe et même dans le monde entier tant ses disciples construisirent selon ses méthodes et parfois à partir de ses propres plans fortifications bastionnées dites « à la Vauban ».
Il commenta paradoxalement sa longue carrière en affrontant les armées du roi Louis XIV qu’il allait si bien servir plus de cinquante années durant. Engagé dans le camp des « frondeurs » avec les armées du prince de Condé alors en rébellion contre son souverain. Il est bien vite remarqué par le cardinal de Mazarin qui le convainc de se mettre au service du roi. Il a alors vingt ans.

De 1653 à 1659, Vauban participe à quatorze sièges au cours desquels il est blessé plusieurs fois.
Il reçoit son brevet d’ingénieur du roi en 1655 à l’age de 22 ans.
Nourri de cette expérience Vauban va réfléchir aux procédés de l’attaque des places qui lui semblent trop coûteux en hommes et notamment privilégier le rôle du canon par rapport à la mine. De même en théoricien de la fortification, il va en améliorer les règles préconisant l’adaptation du trace bastionné au terrain et l’échelonnement de la défense en profondeur.

En 1667, les sièges de Tournai, de Douai et de Lille, pris en seulement 9 jours de tranchées sous les yeux du roi confirment sa notoriété. Désormais sa réputation de preneur de villes est établie. Le roi lui confie l’édification de la citadelle de Lille qu’on appellera plus tard la « Reine des citadelles ».
A partir de 1668, Vauban exercera de fait les fonctions de commissaire général des Fortifications, même si le chevalier de Clerville en restera le titulaire jusqu’à sa mort en 1677.
Il exercera sa mission sur les frontières terrestres qui dépendent de Louvois, les frontières maritimes et les ports dépendant de Colbert demeureront encore dix ans sous la responsabilité de Clerville, même si Colbert demande de plus en plus pour elles les conseils de Vauban.
Avec la guerre de Hollande en 1673, Vauban s’efforce d’exhorter le roi et Louvois à faire ce qu’il appelle «son pré carré », c’est-à-dire à réduire le nombre de ses places pour ne conserver que les plus fortes qui ne sont pas isolées en territoire ennemi.

Il recommandera pour ce faire une double ligne de places fortes, barrant la plaine des Flandres pour protéger efficacement le royaume. La première ligne se compose des places de Dunkerque, Bergues, Furnes, fort de Knokke, Ypres, Menin, Lille, Tournai, fort de la montagne, Condé, Valenciennes, Le Quesnoy, Maubeuge, Philippeville et Dinant.
La seconde ligne se composait des places de Gravelines, Saint-Omer, Aire, Béthune, Arras, Douai, Bouchain, Cambrai, Landrecies, Avesnes, Mariembourg, Rocroi et Charleville.
Le siège victorieux de Maastricht en juin 1673 lui donne l’occasion d’illustrer sa nouvelle méthode d’attaque des places telle qu’il l’a développée pour le roi dans un Mémoire sur la « conduite des sièges » avec notamment l’emploi du tir à ricochet et des parallèles. Cette méthode économise la vie des soldats et des ingénieurs et amène la place ennemie à se rendre après seulement 13 jours de tranchée ouverte. Vauban dénonce le travers des soldats de l’époque à s’exposer inutilement par bravade. Le célèbre d’Artagnan trouvera d’ailleurs la mort à ce siège en attaquant à découvert un bastion ennemi.

Louis XIV conquiert la Franche-Comté, Vauban met le siège devant Besanson qu’il prend en six jours, la citadelle se rendant quelque jours après, Dole est prise quelques jours plus tard, et la Franche-Comté deviendra française au traité de Nimégue en 1678.
De 1679 à 1688, Vauban parcourt la France en tous sens, et se consacrant aux fortifications côtières et également à celles du Sud de la France, tout en surveillant les travaux des places du Nord et de l’Est récemment conquises par les armées du roi. En 1684, il prend en moins d’un mois la formidable forteresse de Luxembourg. En 1687, il inaugurera à Besançon ce que l’on appelle son « deuxième système » fortifié, où la configuration particulière de la ville l’obligera à dissocier la défense de la ville de l’action lointaine contre l’assaillant avec une seconde ligne de défense pourvue de tours à canons qu’il adoptera également pour l’enceinte de Belfort. Cette seconde ligne de défense dite de secret est destinée à protéger la ville, la première enceinte pourvue de demi-lunes et de bastions détachés étant destinée à l’action lointaine.
Nommé lieutenant général en 1688, il parcourt l’équivalent de 4000 km par ans soit pour conduire des sièges, soit pour réparer ou construire des fortifications.
Archétype de « l’honnète homme du XVIIè siècle » il rédigera durant toute sa vie de nombreux traités touchant à des domaines divers des sciences, de l’économie, de l’agriculture et de la stratégie. En 1689 il rédige son mémoire sur le « rappel des huguenots » exhortant Louis XIV à revenir sur la révocation de l’édit de Nantes au nom de la liberté de conscience, et aussi de considérations économiques qui témoignent d’une très grande élévation d’esprit.

En 1691 et 1692 il s’illustrera encore avec les sièges de Mons et de Namur, perdant dix à vingt fois moins d’hommes pour s’emparer de ces villes et de leurs citadelles que leurs défenseurs.
Il parcours ensuite les Alpes où il renforce les villes fortifiées et en crée de nouvelles comme à Montdauphin. Appelé en 1694 sur les cétes de Bretagne, il y organise avec succès la défense contre le débarquement anglais et y construit de nombreux forts.
Appelé après la paix de Ryswick à fortifier l’Alsace, il crée à Neuf-Brisach ce que l’on considère généralement comme son troisième système fortifié améliorant encore le système précédent créé à Besançon et à Belfort et échelonnant la défense sur plusieurs centaines de mètres avec une succession d’ouvrages en profondeur.
Poursuivant ses réflexions, il rédige un traité prévoyant la création d’un nouvel impét plus équitable qui remplacerait tous ceux existant jusqu’alors: la « dôme royale » Cela lui vaudra de voir s’organiser contre lui une cabale et en 1707 son livre sera condamné et saisi lors de sa publication.
Elevé à la dignité de maréchal de France le 14 janvier 1703, cette distinction vient couronner une carrière tout entière passée au service de son pays et de son roi.
Vauban parcourera encore la France effectuant chaque année des milliers de kilomètres qui le mèneront de nouveau sur les côtes de la Manche, dans les Alpes et en Provence, et très régulièrement sur les frontières du Nord et de l’Est de la France. Au total, Vauban aura durant sa vie entière dont 53 ans au service du roi, parcouru environ 180 000 km ce qui, sur les routes de l’époque et avec les moyens de locomotion d’alors, représente une remarquable performance et surtout en fait un exceptionnel témoin de son époque et de la situation dans lequel se trouve le royaume au « siècle de Louis XIV » finissant, d’où ses propositions de réformes notamment fiscale.
Vauban participera encore à quelques sièges et à la défense de l’Alsace et de cette frontière du Nord à laquelle sa vie durant il a consacré tant d’efforts, puis épuisé par cette bronchite chronique qui l’a incommodé la plus grande partie de sa vie et par la fatigue d’une carrière passée le plus souvent sur de mauvaises routes et dans le fracas des combats il s’éteint le 30 mars 1707 à 10 heures du matin dans sa maison de Paris près du jardin des Tuileries. Les obsèques ont lieu dans sa paroisse toute proche de Saint-Roch. Son corps sera enterré dans l’église paroissiale de Bazoches près de son château â 15 km au Sud de Vézelay. Son cœur sera transporté le 28 mai 1808 dans l’église du Dôme aux Invalides à Paris où il repose sous un monument, parmi les plus grands maréchaux de France.

L’oeuvre écrite

Les descriptions économiques et géographiques, qu’il a faites des régions qu’il fortifiait, constituent des témoignages précieux et d’un exceptionnel intérêt sur la France de cette époque. Membre de l’Académie des sciences, Vauban nous a laissé de nombreux travaux et mémoires sur des sujets très divers. Sa « Description de l’élection de Vézelay » comporte un travail de recensement statistique très moderne dans ses méthodes. Il l’appliquera à la population du Canada français et fera des projections jusqu’à la fin du XXè siècle avec une marge d’erreur très faible. Ses propositions sur un système de canalisation reliant toutes les rivières navigables de France atteste d’une véritable vision « d’aménageur » du territoire avant la lettre. Les travaux qu’il propose seront réalisés deux siècles plus tard par le ministre Freycinet.

Vauban travaillera d’ailleurs aux ouvrages d’art du canal du Midi. Curieux de stratégie, ses vues en matière diplomatique sont très intéressantes et prospectives, allant jusqu’à proposer une monnaie européenne unique, trois siècles avant que celle-ci ne se mette en place.
L’ensemble de cet exceptionnel travail de réflexion sera regroupé dans les « Oisivetés », ensemble de douze volumes publiés après sa mort. A la fin de sa vie le roi lui demandera de rédiger un « traité de l’attaque des places » qui fera encore autorité plus d’un siècle après sa mort. Soucieux de la vie de ses hommes, comme de la gloire du roi, Vauban a apporté successivement trois perfectionnements décisifs aux techniques de l’attaque des places: les parallèles, les cavaliers de tranchées et le tir à ricochet.
Vauban codifie l’approche rationnelle du siège, décomposé en une suite logique de douze phases; un siège selon lui nécessite au plus 48 jours de travaux au terme desquels le gouverneur n’a d’autre choix que de capituler. S’inscrivant dans la révolution scientifique qui s’était opérée sous l’égide de Descartes et de Pascal, Vauban conçoit l’attaque d’une place comme une œuvre rationnelle. Son traité traduit en 15 langues dont le turc et le russe fut un classique de l’instruction des ingénieurs militaires jusqu’à la fin du XIXè siècle.

En revanche Vauban ne codifia jamais l’art de la fortification, car il considérait qu’avant tout le terrain commande et que la seule loi valable est l’adaptation des méthodes au terrain, ce qu’il a durant sa vie entière constamment et brillamment démontré comme il est encore possible de le constater dans la centaine de places fortes qu’il nous a laissées.
Vauban demeure l’un des plus grands ingénieurs militaires que la France ait jamais connus. Laissons à Saint Simon le célèbre mémorialiste qui n’avait pas la réputation d’être indulgent, le dernier mot de cet article:
« Vauban s’appelait Le Prestre, petit gentilhomme de Bourgogne tout au plus, mais peut-être le plus honnète et le plus vertueux de ce siècle, et avec la grande réputation du plus savant homme dans l’art des sièges et de la fortification, le plus simple, le plus vrai et le plus modeste. C’était un homme de médiocre taille, assez trapu, qui avait fort l’air de guerre, mais en même temps un extérieur rustre et grossier, pour ne pas dire brutal et féroce. Il n’était rien moins: jamais homme plus doux, plus compatissant, plus obligeant, mais respectueux sans nulle politesse, et le plus avare ménager de la vie des hommes, avec une valeur qui prenait tout sur soi, et donnait tout aux autres… »