L’OEUVRE CIVILE

L’urbanisme

En dehors de ses actions dans les villes dans lesquelles il réalise des renforcement des défenses, améliore ou construit des citadelles, Vauban veille toujours à améliorer la vie des civils par l’aménagement de places, de marchés, d’alimentation en eau potable aussi bien pour les garnisons que pour les civils différenciant les approvisionnements des troupes de ceux des populations. En outre, il veille à l’assainissement des places et, au besoin, veille à la création de voirie aérée facilitant les échanges commerciaux. Lorsqu’il passe aux réalisations, dès son premier grand projet de citadelle, à Lille, il fait construire, pour alimenter les fossés, une large canalisation souterraine qui prend les eaux de la Haute-Deûle à 200 m du bastion de la Reine, des vannes qu’il appelle écluses et des batardeaux pour élever le niveau d’eau des fossés des chemins couverts de moindre profondeur, ainsi qu’un collecteur sous le corps de la place et deux aqueducs qui vont du collecteur aux fossés. Il fait dériver une partie du cours de la Deûle pour établir des moulins et constituer des réservoirs sous le contrôle de la citadelle.

Dans la réalisation de ses citadelles, Vauban a toujours veillé à permettre le maintien et le développement des activités économiques (Gravelines, Villefranche de Conflent, Briançon, Besançon,…) en garantissant aux habitants l’encadrement des militaires en garnison (construction de casernes, discipline) alors que leur comportement au XVIIè était souvent impopulaire en raison de leurs excès et de leurs exigences. Ce souci se retrouve de manière encore plus évidente dans les villes qu’il crée ex Nihilo comme Montlouis, Neuf Brisach, Sarrelouis ou Mont Dauphin.

Pour sécuriser les côtes, il fera construire des phares (En 1682, Les Baleines, Ile de Ré, Saint Louis à Sète en 1684, Chassiron à Oléron en 1685, Le Stiff, Ouessant en 1695 , La Tour des Hébihins à Saint Jacu en 1694-97, Fréhel 1702.

sebastien-le-pretre-de-vauban-navigation-des-rivieres

 L’œuvre hydraulique

Ingénieur, Vauban a beaucoup travaillé dans la modernisation de systèmes hydrauliques. Vauban a une connaissance pratique de l’hydraulique, mais il l’a enrichie par des lectures. Il revendique l’héritage de Vitruve (De l’architecture), de Bernard Palissy (Discours admirables de la nature des eaux et des fontaines) et de Simon Stevin (De la fortification par les écluses). Pour lui, comme le souligne Michèle Virol, la voie d’eau constitue non seulement un élément de défense (franchissement, inondations contrôlées) mais aussi un élément de richesse économique et une voie de transport. Il rédigera un Mémoire « De la navigation des rivières » (1698-1699) qui figure dans le tome IV  des Oisivetés .

Aqueduc de Maintenon
Depuis l’installation de la cour à Versailles, la population a décuplé. Afin d’alimenter cette société en eau, de nombreux aménagements ont été effectués. Toutefois, ceux-ci sont insuffisants et il est projeté de détourner une partie de l’Eure pour alimenter le château via un canal d’environ 80 km. Cette fois, ce dernier doit enjamber la vallée de cette dernière. Vauban propose de franchir la vallée par un principe de siphon, système moins onéreux que l’aqueduc initialement prévu. C’est ce dernier qui sera retenu, car selon Louvois, il doit participer au rayonnement du Roi. Il devait avoir une longueur de presque 6 km, comporter 242 arches et culminer à 68 m de hauteur et garantissait une venue d’eau régulière entre 50 000 et 100 000 m3 jour permettant d’alimenter en eau Versailles et ses fontaines. Le chantier emploiera entre 1686 et 1689 environ 30 000 hommes dont les deux tiers sont des soldats. En raison des guerres et de leur coût, ce chantier sera abandonné en 1689 et restera inachevé, tout en ayant couté 8 millions de livres.

Aqueduc_de_Maintenon, projet de Vauban
Canal du Midi à Toulouse

Canal du Midi
Le « canal de communication des mers » connu sous le nom de canal du Midi avait pour objectif de relier l’Atlantique à la Méditerranée afin d’éviter d’avoir à passer par le détroit de Gibraltar. Pierre-Paul Riquet, dès 1662, lança le projet d’étudier la faisabilité d’un tel ouvrage. En 1665, devant le projet présenté, Colbert, par « lettres patentes du Roi », permet l’exécution d’une première étude, notamment concernant l’acheminement de l’eau en quantité suffisante pour alimenter un tel canal. Le projet approuvé, les travaux, prévus pour un coût initial de six millions de livres, commencent, financés par les États du Languedoc, par le roi et par Riquet lui-même lorsque les fonds viennent à manquer. Ce dernier meurt en 1680 avant que l’ouvrage ne soit terminé par son fils pour une dépense finale de 18 millions de livres. Profond d’environ 2 m, le canal offre une profondeur quasiment constant de 1,80 m sur les 241 km de son tracé. En 1685, Vauban est chargé d’inspecter le canal. En effet, cinq ans après son inauguration, celui-ci fonctionne mal. Riquet, qui craignait de manquer d’eau pour alimenter le canal, avait fait déboucher de nombreux ruisseaux directement dans le canal. Mais ceux-ci lors des crues d’orage apportent du sable et quantité d’alluvions si bien que le canal est rapidement menacé d’ensablement. De plus, le système d’alimentation du réservoir de Saint-Ferréol, principale réserve en eau du canal, s’avère peu efficace.

Vauban missionné l’année précédente par le Roi pour remédier à ces difficultés rend un rapport le 5 mars 1686 et propose de nouveaux travaux au niveau de la montagne Noire avec le percement de la voûte des Cammazes pour prolonger la rigole de la montagne et le renforcement du barrage de Saint-Ferréol pour augmenter sa capacité. Il fait aussi construire de nombreux ouvrages maçonnés pour isoler les cours d’eau qui se jettent dans le canal, ainsi que des épanchoirs pour réguler le niveau de l’eau. Il édifie quarante-neuf aqueducs et ponts-canaux dont ceux de la Cesse, de l’Orbiel et de Pechlaurier. Enfin, il renforce une grande partie des ouvrages et des digues initialement construits par Riquet. Ces travaux, qui durent jusqu’en 1694, améliorent grandement l’alimentation et la gestion de l’eau. Antoine Niquet également directeur des fortifications de Provence, de Dauphiné (jusqu’en 1692) et de Languedoc depuis 1680 aura la charge de la surveillance du canal jusqu’en 1726. *

Les canaux des Flandres
Après le Canal du Midi, Vauban s’intéresse à un projet d’aménagement d’un canal dans les Flandres pour relier Tournai à Dunkerque via Lille. Cet ouvrage aurait, selon le proposant, l’avantage d’assécher plus de dix mille arpents de marais et de capter une part non négligeable du commerce transitant habituellement plus au nord, mais hors du territoire français. Au cours des années 1680, les conquêtes françaises ont intégré plusieurs villes dans le royaume. Alors que leurs débouchés fluviaux naturels se situent en territoire ennemi en se dirigeant vers le nord et les Pays-Bas espagnols. Il faut songer à faire parvenir ce qui est produit dans ces nouvelles annexions vers les ports français comme Dunkerque. Le seul moyen est de creuser un réseau de canaux, d’aménager un certain nombre de rivières comme l’Aa. Vauban y travaille et entre 1687 et 1693, il relie la Scarpe à la Deûle, creuse le canal de la Sensée qui joint Arleux à Douai en 1690.

Il multiplie les projets d’aménagement, Vauban a décidé d’élargir le canal de Neuffossé de Saint Omer à Ayres sur la Lys pour en permettre la navigabilité pour de petits bateaux grâce à un ou deux larges chemins de halage, mais aussi pour en améliorer les fonctions défensives (talus élevés et raides), ponts faciles à contrôler. Ces travaux ne furent vraiment achevés qu’un siècle plus tard, au milieu des années 1780, la jonction par dérivation (de 18 km de long) n’ayant été commencée qu’en 1753, pour être mise en service 21 ans plus tard, en 1774. Ces travaux d’agrandissement et rectification du « chenal de Saint-Omer » ont été supervisés par l’ingénieur des fortifications Pierre du Buat. Les archives du Service Navigation montrent qu’à cette occasion de très importantes levées défensives de terre ont rehaussé celles de Baudouin, à partir des terres issues du creusement d’élargissement qui a permis d’atteindre entre Aire et Arques localement 50 m de large et une hauteur de 9 m, avec au pied de cet ouvrage « (..) un contre-fossé qui reçoit les eaux du coteau sur le flanc duquel le canal a été établi ». Le canal n’était alors franchissable que via quelques ponts, faciles à contrôler.

En 1706, Vauban rédigera le « Projet de navigation d’une partie des places de Flandres à la mer », qui constitue le tome XII des Oisivetés.