L’ INGÉNIEUR MILITAIRE: L’ ATTAQUE DES PLACES

L’ART DE L’ATTAQUE ET DE LA DÉFENSE DES PLACES

Le génie de Vauban sera de parvenir à définir une méthode pour surmonter ces difficultés en économisant les hommes et le temps.
Il a apporté trois innovations majeures décisives aux techniques de l’attaque des places.
La première de ces techniques, Vauban l’a expérimentée au siège de Maastricht en 1673, il s’agit des « parallèles« . Reprenant le système mis en œuvre par les Turcs au siège de Candie en Crête, en 1669, Vauban fait creuser une première tranchée parallèle au front de fortification, hors de portée de canon des ennemis et suffisamment large pour servir de place d’armes; à partir de là, pour assurer la sécurité des hommes, les travaux se déroulent de nuit.
Plusieurs boyaux tracés dans l’axe des bastions que l’on a choisi d’attaquer en raison de leur moindre résistivité, et en zigzag pour éviter les tirs d’enfilade, avancent et sont alors réunis par une seconde « parallèle ». Des batteries de canons, destinées à neutraliser l’artillerie ennemie, puis à faire brèche dans les murailles de la place, y sont installées.


De nouveau des tranchées en zigzag s’avancent pour déboucher sur la troisième parallèle au contact du chemin couvert de la place qui est la première ligne de défense de l’assiégé. De là, les troupes de l’assaillant une fois réunies s’élancent à l’assaut. Une fois descendues dans le fossé, elles peuvent s’engouffrer dans la brèche créée par l’action des canons ou de la mine.

attaque-fortification

La seconde innovation, Vauban va l’expérimenter au siège de Luxembourg. Il a l’idée de disposer des levées de terre, appelées « cavaliers de tranchées« , permettant aux assaillants de dominer les positions de tir des assiégés afin de les refouler à la grenade vers le corps de place et de s’emparer du chemin couvert pour les contraindre à la capitulation.

La troisième innovation de Vauban sera expérimentée lors du siège de Philippsbourg en 1688 et sans cesse perfectionnée jusqu’au siège d’Ath en1697.Il s’agit du « tir à ricochet« . En disposant les pièces de manière à prendre en enfilade la batterie adverse située sur le bastion attaqué, et en employant de petites charges de poudre, un boulet peut avoir plusieurs impacts et en rebondissant balayer d’un seul coup toute une ligne de défense au sommet d’un rempart, canons et servants à la fois. Simultanément pour ses propres fortifications Vauban équipera de traverses perpendiculaires aux remparts ses chemins couverts et ses bastions afin d’interdire les ricochets et le tir de travers en enfilade.

Mais l’œuvre la plus remarquable de Vauban est certainement la rationalisation de sa méthode d’attaque des places qu’il développe à partir de l’expérience de la cinquantaine de sièges qu’il conduisit durant sa carrière.

Décomposé en une suite logique de douze phases, un siège nécessite selon lui au plus quarante huit jours de travaux aux termes desquels le gouverneur de la place assiégée n’a plus qu’à se rendre.

La première de ces phases est celle de l’investissement: la place est tout d’abord coupée de l’extérieur afin que nul ne puisse la ravitailler ou y faire entrer des troupes de renfort.

L’installation de l’armée de siège passe par la contrevallation de la place, c’est-à-dire la construction d’une enceinte de terre l’encerclant, ainsi que par la circonvallation de la place par la construction d’une autre enceinte destinée à empêcher qu’une armée de secours ne vienne prendre à revers les assaillants.

Des reconnaissances sont ensuite conduites afin de déterminer et de choisir le front le plus faible susceptible d’être le plus facilement attaqué.
Les travaux d’approche commencent, suivis des travaux de la première parallèle et de la deuxième parallèle avec l’installation des batteries, puis la troisième parallèle, enfin le couronnement du chemin couvert, c’est-à-dire son occupation avec la préparation de l’assaut, la descente du fossé et enfin l’assaut. Dans la plupart des sièges l’assaut n’est pas donné: le tambour de la place assiégée bat « la chamade » qui annonce la capitulation, le gouverneur évitant ainsi que la ville soit dévastée par les armées assiégeantes.

La forme classique du siège « à la Vauban » restera en usage jusqu’au milieu du XIXe siècle et en 1832, le général Haxo conduira ainsi à la tête d’une armée franco-britannique le siège d’Anvers tenu par les Hollandais, dont la prise entrainera la création de l’état belge.